Barge sur le Rio Madeiras

Coucher de soleil sur le Rio Madeiras. La chaleur tombe enfin. Les aras croassent au loin. La lune est sortie presque pleine de la canopée. Des botos, dauphins d'eau douce de l'Amazonie, prennent l'air en surface. La voiture est calée entre une montagne de bananes, des caisses d'un poisson qui va passer cinq jours par 35 degrés, et une pompe pour orpailleurs. Nous sommes en poupe, face au vent (un sacré luxe vu l'acharnement du soleil à nous faire fondre). Pour atteindre le bateau qui pousse la barge, il faut marcher quarante mètres entre les marchandises et le bord, bien évidemment dépourvu de rembarde, en essayant d'éviter de trébucher sur les cordages.

L'équipage est sympathique. Nous nous cachons à chaque contrôle, parce que les passagers sont interdits dans la marine marchande, et que nous avons déjà été virés par les fonctionnaires (Edilson, l'armateur de notre barge et excellent pote depuis les quelques jours passés ensemble à Porto Velho, nous a emmené en voiture à un autre port où une barque rapide nous a permis de passer à bord en secret). Il y a d'autres passagers clandestins qui sans cesse montent descendent, disparaissent et tendent la nuit leurs hamacs au-dessus des empilements de fruits. Je n'ose imaginer la proportion exacte de contrebande dans les 300 tonnes de denrées périssables qui nous entourent. Rosa, la cuisinière, nous a servie hier un excellent ragoût de tortue. Francisco dispose d'un grand barbecue sur lequel il fait dorer des poissons du fleuve, tambaqui et pirarucu. Et avec de la chance, il y aura peut-être du caïman.